Manger ses émotions… est-ce que c’est mal?

Voici le 7e article de ma série sur l’alimentation intuitive

Dans cet article, j’offre une perspective légèrement différente de celle des auteures du livre « Intuitive Eating », mais la conclusion est la même.

Quand on parle de “manger ses émotions”, on fait souvent allusion au fait de manger pour se réconforter. Parfois, la définition inclut le fait de manger lorsqu’on ressent des émotions positives. Dans cet article, je parle surtout du fait de manger en réponse à des émotions négatives.

Prenez un instant pour noter les émotions qui vous poussent à manger.

Manger ses émotions… ça marche (et c’est correct) !

Pourquoi tant de gens utilisent-ils la nourriture pour se réconforter? Réponse courte : parce que ça marche (à court-terme). Eh oui, il est tout à fait normal d’éprouver des émotions positives lorsqu’on mange ! Si l’humain n’aimait pas manger, il n’aurait pas survécu très longtemps. Il est donc normal de se tourner vers la nourriture quand on vit un moment difficile émotionnellement, car on risque bel et bien de s’en sentir momentanément apaisé.e (1). 

Au-delà de notre biologie humaine, nos expériences de vie façonnent aussi nos habitudes alimentaires. Si nos parents nous offraient certains aliments pour nous réconforter, nous aurons tendance à éprouver des émotions positives et à nous sentir apaisé.e.s en les mangeant, même à l’âge adulte (2).

Pouvez-vous identifier les aliments qui vous apportent du réconfort et faire un lien avec leur consommation dans votre enfance ?

Tout ça pour dire que manger pour se sentir mieux est tout à fait normal. C’est une stratégie comme une autre qui peut aider à passer à travers des épreuves en nous apportant un petit moment de distraction réconfortante. Bien sûr, ce n’est pas une solution aux problèmes qui sont à la source de nos émotions négatives et le sentiment de réconfort ne dure pas très longtemps. Je vois donc cela comme une stratégie à court-terme qu’il faut combiner à d’autres stratégies pour réellement se sentir mieux à long-terme. Nous en reparlerons à la fin de ce texte.

Manger ses émotions… c’est mal vu

Je sais que mes propos pourraient étonner certain.e.s d’entre vous, car le fait de manger ses émotions a très mauvaise presse de nos jours. 

Comme nous vivons dans une société centrée sur le contrôle du poids, manger ses émotions est devenu une transgression, un interdit. Le résultat: au lieu de manger pour se réconforter en l’acceptant et en savourant pleinement ce qu’on déguste, on a tendance à éprouver beaucoup de culpabilité pendant et après avoir l’avoir fait. Le tout devient alors contre-productif : on mange pour se sentir mieux, mais après un court moment de plaisir gustatif, on se sent terriblement honteu.se.

La solution

Pour mettre fin à la culpabilité et la honte qui vont souvent de pair avec le fait de manger pour se réconforter, je vous propose non pas d’arrêter de le faire, mais plutôt de vous donner le droit de le faire. Voyez-le comme un moment où vous prenez soin de vous de la façon la plus efficace pour vous dans le moment. Prenez le temps de vous asseoir et de bien choisir ce que vous avez réellement envie de manger et profitez-en pleinement. Rendez le moment aussi agréable que possible.

Si vous éprouvez une certaine hésitation à l’idée de vous donner cette permission, c’est le moment de se demander pourquoi. Il est important d’avoir travaillé sur les premiers principes de l’alimentation intuitive avant de se lancer dans l’exploration des émotions qui nous font manger, car si on a encore la mentalité restrictive et le désir de manipuler son corps avec son alimentation, cette étape du processus sera difficile à franchir. Si c’est votre cas, n’hésitez pas à revoir les premiers chapitres du livre (et mes premiers articles).

 

Mettre le doigt sur le « pourquoi »

Une fois qu’on a laissé de côté la culpabilité, on peut approcher notre envie de manger pour le réconfort avec curiosité. On peut même la voir comme quelque chose de très utile: un outil pour comprendre nos émotions et nos besoins afin de mieux y répondre.  Par exemple, si on se rend compte qu’on a tendance à manger lorsqu’on se sent seul.e, on peut répondre à ce besoin d’être plus entouré.e en s’organisant pour voir ses proches plus souvent ou encore en posant des actions concrètes pour agrandir son cercle d’ami.e.s. Le but n’est pas d’arrêter de manger en réponse à ses émotions mas simplement de se sentir mieux en adressant la source du problème. Tenir un journal peut aider à comprendre les contextes et les émotions qui nous poussent à aller chercher du réconfort en mangeant.

Développer des stratégies complémentaires

Nous avons donc établi que manger ses émotions représente une distraction à court-terme qui est valide.  Tout de même, c’est une stratégie qui a ses limites. Dans la perspective où la nourriture est utilisée pour le réconfort physique, elle tend à perdre son effet dès qu’on se sent inconfortable physiquement ou qu’on cesse de vraiment profiter du goût des aliments. D’où l’intérêt de développer d’autres stratégies pour se distraire lorsqu’on vit des émotions négatives. Ces nouvelles stratégies n’auront pas tout de suite le même effet que le nourriture, donnez-vous le temps de les incorporer dans votre routine et d’en voir les bienfaits. Développer de nouvelles habitudes est un processus qui prend du temps. 

 

En bout de compte, il s’agit de trouver son équilibre entre les distractions nécessaires pour tolérer des émotions difficiles et les actions nécessaires à la résolution ou la gestion des problèmes qui donnent lieu à ces émotions.

 

Je vous propose quelques idées qui pourraient vous être utiles dans le court-terme, le long-terme ou même les deux ! :

  • Consulter un.e psychologue ou psychothérapeute. Si vous en avez les moyens et le temps, c’est définitivement un investissement qui en vaut la peine.
  • Tenez un journal. Pendant des périodes d’émotions intenses, si vous en êtes capables, écrivez ce que vous ressentez. Ça vous aidera à sortir de votre tête et à ralentir vos pensées.
  • Prenez une marche. C’est cliché mais c’est vrai, ça aide à se changer les idées.
  • Parlez à un.e proche. Confiez-vous si vous vous en sentez capables.
  • Écoutez quelque chose qui vous distraira pendant un moment.
  • Mangez ! Juste au cas où vous l’auriez oublié le temps de lire cette liste. C’est 100% correct de manger pour s’apaiser. L’idée n’est pas de faire une croix sur la nourriture, mais de trouver un équilibre agréable en se construisant un arsenal de stratégies pour se réconforter et prendre soin de soi de façon à augmenter ses chances de se sentir mieux autant à court-terme qu’à long-terme. 

 

 

Dans les commentaires, parlez-moi donc des aliments qui vous réconfortent le plus et des autres choses que vous faites pour vous remonter le moral quand ça ne va pas trop !

Références

(1) Kate, P. E., Deshmukh, G. P., Datir, R. P., & Rao, J. K. (2017). Good Mood Foods. J Nutr Health Food Eng7(4), 00246.

(2) Troisi, J. D., & Gabriel, S. (2011). Chicken Soup Really Is Good for the Soul: “Comfort Food” Fulfills the Need to Belong. Psychological Science22(6), 747-753.
(3)  Tribole, E., & Resch, E. Intuitive eating: a revolutionary program that works. 2012, New York: St. Martin’s Griffin.
Photo par MMPR sur Unsplash
Important: Les conseils dispensés ci-haut le sont à titre informatif seulement et ne remplacent pas l’avis d’un.e professionnel.le médical.e